"L'alcool m'aide à t'écrire"

Rédigé par Une Voix
Classé dans : Amours Mots clés : aucun
Fischer m'a écrit un texto, après plus de deux ans de silence. 

Que faire de ce message ? 

"L'alcool m'aide à t'écrire. On a beaucoup à se dire. J'ai jamais cessé de t'aimer mais parfois c'était trop compliqué. J'ai su en gros pour les évolutions dans ta vie. Je serai heureux que tu m'en parles de vive voix quand le moment sera opportun. Ne soyons pas trop pressés. Porte toi bien."

Oui, que faire d'un tel message ?

Le message d'un revenant après plus de deux ans d'absence, après un rejet violent de ma personne, de mon soutien aux parents qui galèrent, de mon désir d'écriture... Le message d'un revenant après une absence totale de réponse à mes lettres et à mes demandes. Un message "d'amour", qui pose encore des timings, des distances, des délais...

Je n'ai pas su faire autrement que de répondre avec mes blessures, ma colère et ma rancoeur. Je ne suis pas certain que cela constitue un bienfait pour moi de te voir. Il y a eu trop de paroles blessantes et d'attitudes injustes, hostiles et destructrices, ai-je répondu. J'ai ajouté qu'il me semblait que la plupart de nos manières de voir étaient incompatibles. 

J'ai donc fermé la porte largement, presque totalement. 

Pourtant, je sens comme quelque chose de possiblement trop dur et d'inachevé. 

Car qu'aurais-je dû répondre d'autre à "l'amour" que l'amour ? 
Et comment ne pas reconnaître qu'il y a, dans ce message, quelque chose de bon, de mieux, d'honorable ? 

Le problème, c'est que les paroles de Fischer n'ont plus du tout la consistance qu'elles avaient lorsque nous étions très amis. La dissociation entre les paroles et les actes, entre les mots et les comportements est trop grande. 

D'un "amour" qui ne donne aucun signe de vie pendant plus de deux ans, aucune réponse à toutes mes attentes, qui ne s'excuse pas lorsqu'il blesse, je ne peux que me méfier. 

Alors que faire ? 
Répondre par le même genre d'attitude ? Occulter les paroles blessantes, les choses douloureuses et les blessures ? Parler davantage qu'on agit ?  

Peut-être. Car cela ne m'empêche pas d'avoir exprimé mes blessures, ma colère et ma rancoeur. Cela ne m'empêche pas de savoir désormais mieux à quoi m'en tenir avec Fischer, de savoir ce dont il est capable et ce dont il n'est pas capable (capable de rejeter un ami avec violence et impulsivité, capable d'émettre des jugements injustes, toxiques, rabaissant et liberticides, incapable de s'excuser lorsqu'il blesse). Cela ne m'empêche pas d'avoir tiré des enseignements sur lui, sur moi et sur la manière de prendre les relations à l'avenir : accorder moins d'importance aux jugements péremptoires, injustes, toxiques et destructeurs, davantage de confiance à mes propres jugements, à mes principes, à mes valeurs. Ne pas céder sur les valeurs ni sur les rêves lorsqu'ils sont attaqués. Me méfier des mots lorsqu'ils diffèrent ou se dissocient des actes. Savoir cheminer seul plutôt qu'en mauvaise compagnie, ou m'entourer différemment lorsque ceux que j'attendais ne sont pas là (voire m'enfoncent) dans les moments difficiles. 

Oui, cette histoire contient beaucoup d'enseignements. 

Je sens bien, pourtant, qu'elle ne peut se conclure ainsi. 

Car si je maintiens fermement l'idée de me protéger des blessures et de tenir à distance les comportements destructeurs, je ne veux pas pour autant en créer moi-même. Fermer la porte aux possibilités d'évolution, d'amélioration, je ne le peux pas. Fermer la porte aux prises de conscience, je ne le peux pas. 

Reconnaître que moi-même, je n'ai pas toujours tout bien fait et que j'avais moi aussi beaucoup de choses à apprendre (y compris de Fischer, et y compris dans la solitude face à moi-même), cela me paraît nécessaire. 

L'important est de ne pas manquer au respect que l'on se doit avant tout à soi-même. Et l'important, pour moi qui chemine en étant parti avec mes casseroles, est d'apprendre à laisser les boucles de la culpabilité, de la tristesse et des difficultés, lorsqu'elles ne servent ni la justice, ni l'espoir, ni la joie, là où elles sont.