Hospitalisation
Rédigé par Une Voix
Classé dans : Zone noire, Errances
Lorsque je lui ai évoqué tout ça, ces idées de plus en plus précises sur le suicide, cette intention de mettre fin à mes jours en trouvant la façon de ne pas faire souffrir les autres, cette incapacité qui était la mienne d'endurer beaucoup plus longtemps une accumulation de souffrances et d'impasses, quand elle a vu que mon désespoir en était à ce degré assez extrême d'avancement, Cécile m'a imposé de voir un médecin puis conduit à l'hôpital.
Il n'était pas question pour elle de me laisser sombrer dans mes calculs morbides et mes raisons mortifères, pas question de les accompagner.
À l'hôpital, les médecins psychiatres m'ont expliqué que la dépression fonctionnait comme un entonnoir, dans lequel plus on avance, moins on ne voit de solutions. Jusqu'à l'idée extrême, celle du suicide. On m'a prescrit des médicaments auxquels je n'avais jamais touché en quarante ans, antidépresseurs et anxiolytiques. De nature critique, je le suis bien entendu vis-à-vis de la chimie. Ma mère avait pris ces merdes toute sa vie, sans que rien ne change de sa souffrance, vu de mes yeux d'enfant en tout cas.
J'arrivais à mon tour dans cette zone concrètement morbide de la dépression, des médocs, des médecins, de la chimie, de l'hôpital, des lieux d'enfermement, lieux inspectés par des contrôleurs des lieux de privation de liberté... J'y étais, les deux pieds dedans.
Après ma mère, c'était moi. Ces médocs qu'elle avait pris toute sa vie, dont je me méfiais comme la peste et dont je craignais les phénomènes d'accoutumance, je devais les prendre à mon tour. Les médecins avaient levé mes résistances de manière habile, m'expliquant qu'on prescrivait désormais des molécules qui évitaient la dépendance, me présentant les choses comme un test, une béquille, quelque chose de transitoire sur lequel on pouvait revenir à tout moment, mais qui était une nécessité du moment...
Pas vraiment en mesure de lutter, envahi par la détresse et les idées noires, je n'en étais plus à m'accrocher à mes vieux principes. Les médocs, les médecins, l'hôpital et tout le reste, ça n'était pas pire que le suicide, de toute façon.